L’analyse des coups et l’analyse de Fourier

     Considérons la note en terme de coups, c’est-à-dire que la fréquence de la note correspond à la fréquence de coups et comparons les coups des deux notes. Nous faisons partir les coups en phase (c’est-à-dire qu’ils coïncident au moins à un moment) et observons l’incidence des coups des deux notes entre deux moments consécutifs où les coups coïncident. Le rapport de fréquences a une interprétation simple: il correspond au nombre moyen de coups du deuxième son entre deux coups consécutifs du premier sur cette période.

     On remarque que pour que deux coups des notes coïncident à nouveau, il faut que le rapport des fréquences soit rationnel. Sans perte de généralité, choisissons l’unité de temps telle que la fréquence de la première note soit 1 (si la fréquence de la deuxième note est , alors leur rapport est ), et disons qu’au temps , les coups des deux notes coïncident. Alors, les instants où l’on a un coup de la première sont de la forme ( entier) et les coups de la deuxième sont aux instants ( est entier). Ainsi, pour que les coups coïncident à nouveau, cela veut dire qu’il existe un instant tel que (où et sont des entiers non nuls), ce qui équivaut à , ce qui veut dire que f est rationnel. Ainsi nous avons démontré que pour que les coups coïncident à nouveau il faut et suffit que le rapport de fréquences des deux notes soit rationnel (on dit aussi qu’elles sont commensurables). Nous pouvons généraliser cela à plus de trois notes ce qui nous intéresse plus puisque cela correspond à des accords. Ainsi si l’on compare les coups de notes, tous leurs coups coïncident si et seulement si leurs fréquences sont deux à deux commensurables. Dorénavant, nous considérons donc uniquement des rapports de fréquences rationnels. Une conséquence de cette propriété est que l’on peut donc toujours choisir une échelle de temps telle que les fréquences des deux notes sont entières, puisque partant de l’échelle que l’on a choisi dans la démonstration, il suffit de la multiplier par le dénominateur de la fraction.

Représentation de deux notes par leurs coups dont le rapport des fréquences est 3/4

 

     Dans la figure ci-dessus, nous avons représenté deux notes dont le rapport des fréquences est , mais en dessous, nous avons rajouté une nouvelle note. Chacun de ses coups coïncide avec un coup des deux notes et c’est la note de fréquence maximale qui vérifie cette propriété. Pour calculer sa fréquence, simplifions les valeurs des fréquences. Comme le rapport des notes est rationnel, utilisons une échelle de temps telle que leurs fréquences respectives et soient entières et que à l’instant leurs coups correspondent, calculons la fréquence de la note recherchée. Les notes de fréquences telles que chaque coup de celles-ci correspondent à un coup de la première note ont pour propriété que est un diviseur de En effet, pour tout entier , il existe alors un entier tel que, (i.e. les instants où l’on a un coup de ) est égal à (i.e. les instants où l’on a un coup de ) donc autrement dit tous multiples de sont multiples de donc est un diviseur de . Ainsi, la fréquence de la note recherchée est un diviseur de et de , et c’est la plus grande possible, donc c’est le de et de .

     On peut généraliser ceci avec plusieurs notes, auquel cas nous prenons le de toutes les fréquences. nous remarquons que cette fréquence dépend donc de l’échelle de temps, mais la note elle même en est indépendante puisque changer l’échelle correspond à multiplier chaque fréquence par , mais donc son rapport avec une autre note donne la même fraction. Cette note correspond à la note fondamentale de l’accord. Par exemple, dans l’expérience, elle correspond au Mi0 par rapport à l’accord de Mi2, Sol#2 et Si2. Ainsi, elle peut aussi être interprétée à l’aide de l’analyse de Fourier comme la fréquence fondamentale la plus élevée possible telle que les sons de l’accord considéré sont ses harmoniques (puisque leurs fréquences sont alors ses multiples).

     La quatrième note dans la figure ci-dessus a pour propriété remarquable que chacun des coups de l’une des deux premières notes coïncident avec un coup de la quatrième et que c’est celle de fréquence minimale qui vérifie cette propriété. Notons la fréquence de la première note et la fréquence de la deuxième et choisissons une échelle de temps telle que ces fréquences soient entières. Les notes de fréquence telles que chaque coup de la première note corresponde à celle-ci ont pour propriété que ’ est un multiple de , puisqu’alors pour tout entier , il existe un entier tel que, donc autrement dit tous multiples de sont multiples de donc est un multiple de . Ainsi, la fréquence de la note recherchée est à la fois multiple de et de , et l’on cherche la fréquence la plus petite possible, autrement dit c’est le de et .

     On peut généraliser cela à plusieurs notes, auquel cas nous associons la note dont la fréquence est le de toutes les fréquences des notes. Encore une fois, la fréquence dépend de l’unité de mesure, mais pas la note (). Nous remarquons que cette note traduit en fait le plus petit écart entre deux coups consécutifs des notes considérées, ce qui correspond aux battements. Ainsi, plus il est élevé, plus l’accord sera dissonant. Une interprétation de cette note par l’analyse de Fourier est qu’elle correspond à la plus petite (en terme de hauteur) des harmoniques qu’ont toutes les notes en commun.

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bâtons noirs : harmoniques de la note de fréquence fondamentale PGCD(f1, f2)

bâtons rouges : harmoniques de la note de fréquence fondamentale f1  

bâtons verts : harmoniques de la note de fréquence fondamentale f2

bâtons bleus : harmoniques de la note de fréquence fondamentale PPCM(f1, f2)

     Ainsi, pour chaque accord, nous pouvons associer ces deux notes qui traduisent les propriétés générales de l’accord, et l’on pourrait penser qu’ils ont donc une consonance équivalente lorsque ces deux notes sont les mêmes. C’est précisément ce que fait Euler qui revenait ainsi au cas pour un accord en prenant le de toutes les fréquences de l’accord. De plus le lien que nous avons établi entre la coïncidence des coups et l’analyse de Fourier permet de mettre en valeur le lien sous-jacent des travaux de d’Alembert avec cette théorie qu’il cherchait à ne pas utiliser.

     Cette vision duale avec la coïncidence des coups et de l’analyse de Fourier permet donc une représentation avec fondement de la réalité physique d’un accord et permettent donc de mieux comprendre, mathématiquement et physiquement, ce qui fait que deux sons soient consonants entre eux.